• Un début de connaissance avouée est sans doute base de sagesse ou d'humilité.

     

    Avouée, parce que cette connaissance est « je ne sais rien », humilité pour l'état de celui qui reconnaît « ne rien savoir » ?

     

    Oui, « Je ne sais rien », « feuille au vent », « se laisser être », parlent de la même chose.

    Ce qui meut alors la personne, peut-on dire que c'est l'énergie amour ?

     

    Pfffffffffff... Tu veux encore trouver quelque chose à dire sur ce qui peut nous mouvoir ?

    L'amour est une … humaine.

    Il ne nous meut pas, c'est nous qui le mouvons.

     

    D'accord ne donnons pas de nom et n'en disons rien.

    Alors parlons de l'état dans lequel est celui qui est mu, pouvons-nous ?

     

    Oui.

     

    C'est un état de grande sensibilité ? Celui-ci met-il la personne en état de faiblesse ?

     

    Non ce n'est pas un état de grande sensibilité. Sinon, oui, ça nous rendrait faible.

     

    Je ne parle pas de sensiblerie. Je parle de sentir les choses.

     

    Alors oui. Mais tu sais déjà que la sensibilité ne rend pas faible, au contraire.

     

    Elle ne rend pas faible, mais elle fait des remous, parce que sentir la souffrance du monde, des enfants, etc.

     

    Non. Ça, c'est ressentir. Sentir ne laisse pas la place à ce genre de comportement.

     

    Que se passe-t-il en celui qui « se laisse mouvoir » devant la souffrance d'autrui ?

     

    Il y tombe... S'écrase !

     

    Je ne comprends pas... celui qui est feuille au vent s'écrase dans la souffrance d'autrui ?

     

    Non, celui qui se meut dans la souffrance d'autrui. Ce ne sont pas les mêmes.

     

    Ah, mais je ne parlais pas de celui-là, je parlais de celui qui est feuille au vent !

     

    Non ! Je crois que tu mélanges, tu prêtes à celui-ci des orientations ou des choix qui n'existent pas.

     

    Je me suis mal exprimée, mais je parlais bien de celui qui est sans direction.

    Que se passe-t-il en lui, rien ?

    Cela le traverse ?

     

    La joie tranquille de voir que tout est à sa juste place et qu'il n'y a pas lieu de désirer un dieu bienveillant pour les souffrances du monde.

    C'est « autre ».

     

    Tout est à sa place... je n'arrive pas à trouver tout à sa place, peut-être formulé autrement... parce que tout à sa place j'entends une justification des souffrances.

     

    Le monde et la vie ne peuvent être sans souffrances, comme ils ne peuvent être sans la mort, alors si tu vois là une justification, que ça en soit une.

     

    Je ne parle pas d'une vie sans souffrance.

    Je ne peux pas éprouver de la joie tranquille devant une situation humaine qui génère de la souffrance, je dis humaine, parce que dans le monde des animaux les choses ne sont pas perverties.

    Je ne peux pas dire que tout est à sa place. Devant la nature je le peux, même si la foudre vient tuer près de moi l'enfant.

    Alors, il y a peut être quelque chose, que je ne vois pas, quelque chose qui n'est pas du domaine ordinaire de perception des choses.

     

    C'est ton droit.

     

    Non, ce n'est pas mon droit, tu crois que je revendique quelque chose ?

     

    Oui, tu revendiques ton droit à rêver d'un autre monde, un monde plus juste et plus tendre, et ton combat est là, travailler à faire changer le monde selon ce que tu te le représentes ?

     

    Non, ce n'est pas ce que je fais là, en ce moment même !

     

    C'est ce que tu fais tout le temps dame !

     

    Écoutes moi, s'il te plaît.

    Là, je ne le fais pas, je suis devant un constat et j'essaie de voir.

     

    Mais tes désirs et tes empathies t'en empêchent hein ?

     

    Je veux voir mes désirs et mes empathies.

     

    Tu te places au sein de tes peurs pour voir le monde. De là le fait que tu entendes de travers ce que je te dis.

    Le monde est parfait.

    Il n'y a que toi et moi, et les autres qui ne le sommes pas, mais c'est une façon encore de dire que le monde est parfait.

    Car notre imperfection est le fruit, l'intention de ce monde. C'est parce que nous sommes faibles et sourds que nous sommes imparfaits. Le monde nous a faits faibles et sourds dans sa perfection pour que tout soit en mouvement.

    Le monde lui-même évolue, change, ce qui signifie qu'il est imparfait et son imperfection est la seule manière d'être parfait.

    Si nous ne savons accepter cela, il ne nous reste que les regrets et autres ressentiments.

    Tout regret et tout ressentiment sont un acte de violence envers tout ce qui vit.

    La seule façon d'être en amour avec ce monde est de l'aimer tel qu'il est et l'aimer tel qu'il sera. Ainsi, réellement nous serons en mesure de contribuer en conscience à la perfection de ce monde.

    Tout le reste est suffisance.

     

    Alors ce que j'appelle sensibilité est encore de la sensiblerie, parce qu'il faut pouvoir même devant la connerie humaine dire « cela est bien », cela participe !

     

    Oui, vois-tu une autre façon d'être en harmonie ? Je sais que ce n'est pas facile, c'est même la chose la plus difficile, tendre la joue droite.

     

    Oui, c'est la chose la plus difficile à faire. Voir la souffrance dans le regard de l'autre, de celui qui ne peut se défendre.

     

    Chaque souffrance a son histoire, refuses-tu de rouler en voiture, alors qu'elle tue des milliers de petites filles chaque jour ?

     

    J'entends ce que tes mots montrent, et c'est la seule chose que je puisse faire, aujourd'hui. Que cela est encore arrogance, ça je ne peux pas dire.

    Demain peut-être je pourrai dire que ce monde est parfait.

    Là, dans le regard de celui-là, je ne le vois pas parfait, voir que ce que mon corps ressent ce n'est pas pour juger le monde.

     


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  • Toi qui visites ces contrées lointaines, dis-moi, où vois-tu cette souffrance surgir ? Dans ce marquage à vif qui fut celui que tu reçus enfant, d'un coup à l'autre, sans que jamais ton esprit puisse vivre la paix entre les deux ?

     

    Elle me terrassa tout d'abord, et par faiblesse ou inconscience, je crus l'adoucir en m'habituant à elle, en lui donnant ma confiance, je me trompais, il est des chiens qu'il faut tenir en respect.

     

    Je me laisse porter par tes mots, ils rejoignent ceux que je connais. La vie ne se trompe pas, elle est.

     

    Oui, elle est. Tout simplement, dans sa grande beauté, elle est.

     

    Elle sait cela, le vivant qui se nourrit du vivant, la petite gazelle à peine née qui se fait dévorer par la lionne.

    Elle sait la nécessité de l'impermanence, mourir pour que le nouveau soit, c'est inéluctable.

    Krishnamurti dit que c'est d'une grande beauté et que cela est amours.

     

    Je me retrouve totalement dans ces mots.

     

    Est-ce ici que naît la souffrance ? Juste dans cette espèce qui s'éveille, qui s'éveille parce qu'elle se souvient et qui refuse l'alternance, qui refuse la séparation et la mort.

    Mais elle n'est pas utile, conviens-en ?

     

    C'est dans une forme naturelle qu'elle est utile et non avec tous ces habits que notre suffisance lui fait endosser, je crois que c'est là que tu accroches sur mes mots. La souffrance est une force de la vie, comme ce qu'on appelle la « mort » est une force de la vie, comme la respiration, comme tant de choses encore.

     

    Nous l'acceptons dis-tu parce qu'elle nous donne un reflet de ce que nous sommes en profondeur.

     

    Oui, voilà un bel effet de notre egoïté.

     


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  • Pourquoi la souffrance serait-elle une condition nécessaire à la vie ?

     

    Lorsqu'un obstacle se présente, il nous défie.

    Ce défi est perçu par le corps comme un « stress », sans ce « stress » le corps ne prend pas toute la mesure de la nécessité de « comprendre ». Le corps doit comprendre pour trouver la réponse à la question qui lui est posée.

    Seras-tu capable de résister ? Lui demande la vie. Et le corps doit comprendre la question ainsi posée, s'il veut s'adapter, changer et prendre accord avec son monde. Mais là s'arrête la nécessité de la souffrance, au-delà de ce point c'est lui donner une endurance qu'elle ne réclame pas, cette endurance est stérile. L'homme éveillé voit la souffrance, il l'entend et parce qu'il l'entend, lui permet de se muter en force.

     


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  • La souffrance ne peut-elle donc jamais cesser ?

    Parles-tu du fait de l'impermanence ? Que rien ne dure, que tout finit à chaque instant. Mais cela ne devient souffrance que si nous sommes dans le refus de ce mouvement. Si nous sommes dans son acceptation, il n'y a pas souffrance.

     

    Oui,tout à fait ! Par l’acceptation, les souffrances s’annulent. L’impermanence est bien la seule chose qui soit permanente, encore un drôle de paradoxe.

    La souffrance cesse lorsqu’on  en a conscience. Elle cesse en tant que frein et se transforme en un pont au-dessus du gouffre.

     

    Dis-moi, vraiment ce que tu vois que je comprenne si je peux. Tu as dit que nous jouons sans le savoir le jeu de la vie sur cette terre, souffrir puis se reposer de souffrir.

    Quelle souffrance ?

    Mourir et naître à l'infini ?

    La douleur physique, celle qui accompagne tous les grands moments de la vie ? Mais acceptée et non rejetée elle n'est plus perçue comme une douleur, mais comme une énergie incommensurable.

    Même l'acte d'amour est douloureux s'il est refusé.

    Quand j'ai mis mon fils au monde, j'ai navigué tout près, à la frontière de la douleur et du plaisir.

    Je connais cette intensité physique, qu'il est difficile d'accompagner, et qui devient insupportable dès qu'on s'en éloigne. Là à ce point précis surgit ce moment où si tu le décides tu peux mourir, te laisser aller et partir. Est-ce de cela dont tu veux parler ?

     

    Je crois que tu as déjà compris, je parlais là pour la souffrance avec laquelle nous trichons, celle avec laquelle nos ego marchandent. Je ne parlais pas de celle qu,i est nécessaire à la construction et que l'ego ne voit pas.

     


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  • Oui, Ron, du fait qu'il faille du temps pour en finir mais pourquoi du temps alors que ce ne sont que des souvenirs ?

     

    Ce n'est que le temps pour la compréhension rien de plus. Les blessures se guérissent tout de suite pratiquement. C'est notre position d'esprit par rapport à elles qui pose un problème si nous considérons que nous sommes blessés nous le sommes.

     

    Si j'admets que cela est fini, la blessure n'est plus.

     

    Oui, c'est comme ce que tu disais pour l'amour si nous considérons que nous pouvons aimer nous aimons.

     

    Tu disais que nous sommes attachés à nos plaies ?

     

    Oui je le crois, nous protégeons nos souffrances. Ce mendiant couché au sol expose son infirmité, elle est devenue son amie maintenant, parce qu'elle lui permet de manger.

    Il place sa confiance en elle, comme il a placé la marque de son identité, et lorsqu'il ne sait plus qui il est, quand au hasard d'une cuite il se réveille hagard, le regard évanoui, sa main se cherche. Son être tout entier se cherche, son nom n'est plus réellement Pierre ou Paul, mais « je suis cet infirme qui dort dans telle cave et mendie dans tel quartier ».

    Car ainsi deviennent nos souffrances coutumières, le support de ce que nous confondons avec notre « être », la « personne ». Comme il est clair que la personne en nous a plus de valeur que l'être, et comme il est évident qu'elle aime la souffrance, parce que celle-ci la gonfle d'importance.

    Que serions-nous devenus sans nos souffrances ?

    Ne sont-elles pas comme des bouées qui nous maintiennent à la surface, nageant d'un bras et par ce fait, tourner en rond, limitant notre horizon aux murs de nos piscines intérieures.

    Un jour j'ai vu cela. En moi, je me suis regardé pleurant, je me suis vu dans cette attente.

    Je jetais un œil innocent et triste aux passants me disant intérieurement : je suis beau puisque je souffre ! C'est donc que ma vie a un sens ! Je dois avoir raison ! C'est donc que je suis vivant !

     

    C'est parce que nous nous souvenons des souffrances du passé que nous appréhendons celles à venir. Cherche ce paradoxe de la vie qui sait la souffrance comme une condition nécessaire, qui la craint tout en la recherchant encore, car rien mieux qu'elle nous donne le reflet aussi profond de notre présence.

    Nos rires, nos moments de joie nous sont réservés dans notre inconscient comme ces moments de récréations. Ces pauses dans la cour de l'école qui permettent à l'élève de se remettre dans les meilleurs conditions de « création ».

    Nous jouons sans le savoir le jeu de la vie sur cette terre ; souffrir puis se reposer de souffrir, puis souffrir encore. L'illusion étant dans cette crainte, cette attente de la prochaine vague qui double le temps de la souffrance ? Ainsi, celle-ci n'est plus ce qu'elle doit être, car aucune souffrance ne l'est davantage que l'attente, que le doute, le remord, la crainte. Soit, la vie est alternance de souffrance et de paix, mais qui avons-nous ajouté ?

     


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