• De la souffrance (18)

    Un début de connaissance avouée est sans doute base de sagesse ou d'humilité.

     

    Avouée, parce que cette connaissance est « je ne sais rien », humilité pour l'état de celui qui reconnaît « ne rien savoir » ?

     

    Oui, « Je ne sais rien », « feuille au vent », « se laisser être », parlent de la même chose.

    Ce qui meut alors la personne, peut-on dire que c'est l'énergie amour ?

     

    Pfffffffffff... Tu veux encore trouver quelque chose à dire sur ce qui peut nous mouvoir ?

    L'amour est une … humaine.

    Il ne nous meut pas, c'est nous qui le mouvons.

     

    D'accord ne donnons pas de nom et n'en disons rien.

    Alors parlons de l'état dans lequel est celui qui est mu, pouvons-nous ?

     

    Oui.

     

    C'est un état de grande sensibilité ? Celui-ci met-il la personne en état de faiblesse ?

     

    Non ce n'est pas un état de grande sensibilité. Sinon, oui, ça nous rendrait faible.

     

    Je ne parle pas de sensiblerie. Je parle de sentir les choses.

     

    Alors oui. Mais tu sais déjà que la sensibilité ne rend pas faible, au contraire.

     

    Elle ne rend pas faible, mais elle fait des remous, parce que sentir la souffrance du monde, des enfants, etc.

     

    Non. Ça, c'est ressentir. Sentir ne laisse pas la place à ce genre de comportement.

     

    Que se passe-t-il en celui qui « se laisse mouvoir » devant la souffrance d'autrui ?

     

    Il y tombe... S'écrase !

     

    Je ne comprends pas... celui qui est feuille au vent s'écrase dans la souffrance d'autrui ?

     

    Non, celui qui se meut dans la souffrance d'autrui. Ce ne sont pas les mêmes.

     

    Ah, mais je ne parlais pas de celui-là, je parlais de celui qui est feuille au vent !

     

    Non ! Je crois que tu mélanges, tu prêtes à celui-ci des orientations ou des choix qui n'existent pas.

     

    Je me suis mal exprimée, mais je parlais bien de celui qui est sans direction.

    Que se passe-t-il en lui, rien ?

    Cela le traverse ?

     

    La joie tranquille de voir que tout est à sa juste place et qu'il n'y a pas lieu de désirer un dieu bienveillant pour les souffrances du monde.

    C'est « autre ».

     

    Tout est à sa place... je n'arrive pas à trouver tout à sa place, peut-être formulé autrement... parce que tout à sa place j'entends une justification des souffrances.

     

    Le monde et la vie ne peuvent être sans souffrances, comme ils ne peuvent être sans la mort, alors si tu vois là une justification, que ça en soit une.

     

    Je ne parle pas d'une vie sans souffrance.

    Je ne peux pas éprouver de la joie tranquille devant une situation humaine qui génère de la souffrance, je dis humaine, parce que dans le monde des animaux les choses ne sont pas perverties.

    Je ne peux pas dire que tout est à sa place. Devant la nature je le peux, même si la foudre vient tuer près de moi l'enfant.

    Alors, il y a peut être quelque chose, que je ne vois pas, quelque chose qui n'est pas du domaine ordinaire de perception des choses.

     

    C'est ton droit.

     

    Non, ce n'est pas mon droit, tu crois que je revendique quelque chose ?

     

    Oui, tu revendiques ton droit à rêver d'un autre monde, un monde plus juste et plus tendre, et ton combat est là, travailler à faire changer le monde selon ce que tu te le représentes ?

     

    Non, ce n'est pas ce que je fais là, en ce moment même !

     

    C'est ce que tu fais tout le temps dame !

     

    Écoutes moi, s'il te plaît.

    Là, je ne le fais pas, je suis devant un constat et j'essaie de voir.

     

    Mais tes désirs et tes empathies t'en empêchent hein ?

     

    Je veux voir mes désirs et mes empathies.

     

    Tu te places au sein de tes peurs pour voir le monde. De là le fait que tu entendes de travers ce que je te dis.

    Le monde est parfait.

    Il n'y a que toi et moi, et les autres qui ne le sommes pas, mais c'est une façon encore de dire que le monde est parfait.

    Car notre imperfection est le fruit, l'intention de ce monde. C'est parce que nous sommes faibles et sourds que nous sommes imparfaits. Le monde nous a faits faibles et sourds dans sa perfection pour que tout soit en mouvement.

    Le monde lui-même évolue, change, ce qui signifie qu'il est imparfait et son imperfection est la seule manière d'être parfait.

    Si nous ne savons accepter cela, il ne nous reste que les regrets et autres ressentiments.

    Tout regret et tout ressentiment sont un acte de violence envers tout ce qui vit.

    La seule façon d'être en amour avec ce monde est de l'aimer tel qu'il est et l'aimer tel qu'il sera. Ainsi, réellement nous serons en mesure de contribuer en conscience à la perfection de ce monde.

    Tout le reste est suffisance.

     

    Alors ce que j'appelle sensibilité est encore de la sensiblerie, parce qu'il faut pouvoir même devant la connerie humaine dire « cela est bien », cela participe !

     

    Oui, vois-tu une autre façon d'être en harmonie ? Je sais que ce n'est pas facile, c'est même la chose la plus difficile, tendre la joue droite.

     

    Oui, c'est la chose la plus difficile à faire. Voir la souffrance dans le regard de l'autre, de celui qui ne peut se défendre.

     

    Chaque souffrance a son histoire, refuses-tu de rouler en voiture, alors qu'elle tue des milliers de petites filles chaque jour ?

     

    J'entends ce que tes mots montrent, et c'est la seule chose que je puisse faire, aujourd'hui. Que cela est encore arrogance, ça je ne peux pas dire.

    Demain peut-être je pourrai dire que ce monde est parfait.

    Là, dans le regard de celui-là, je ne le vois pas parfait, voir que ce que mon corps ressent ce n'est pas pour juger le monde.

     


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