• Le silence est disponibilité au vivant et donc à l’expérience.

    Est-ce cela une pensée silencieuse ? Une pensée qui ne nomme pas, ne définit pas, ne juge pas, etc. est une pensée qui « voit ». Je ne crois pas qu’un objet ait une réalité fixe, absolue. Je ne peux comprendre la notion de « réalité objective », ou réalité unique et vraie. Ce n’est pas de mon expérience.

    Je m’assois devant un objet, et jamais je ne le vois pareil à ce qu’il était un autre jour, un autre moment, peut-être que lui-même me voit différent, chaque instant propose un alignement de lui à moi, cet alignement dépend toujours des conditions qui sont les nôtres. Il y a toujours des conditions propres à un instant, est-ce cela un état de conscience ?

    Les pensées se rajoutent par-dessus la perception dans un processus difficile à stopper, « stopper le monde » des pensées est une grande œuvre, un art.

    C’est « stopper le monde » que l’on fabrique par nos automatismes pour laisser grandir dans les sensations les échos de notre « connaissance silencieuse », échos vivants et endormis qui s’alignent selon notre vacuité au spectacle de la vie.

    Le vivant s’adresse au vivant qui nous habite lorsque la pensée ne lui fait pas obstacle.

    « Voir » ne concerne pas les yeux et c’est justement pour cette raison que ça ne concerne pas non plus la raison, les yeux sont au service de la raison. Par l’acte de voir, ce qui est perçu se maintient dans la forme d'une émanation, les mouvements, tous les mouvements qui se font de la part et dans un organisme n’existent pas dans cette forme conceptualisée de mouvements.

     


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  • Dans toute situation difficile, l’homme aura un réflexe dominant, rejoindre ceux qui sont les plus nombreux, ceux qui sont reliés par les réseaux, de liens affectifs, de langages, de pensées, les terrains d’action, les visions d’avenir, l’organisation de la vie, la religion, la politique, les opinions sur toutes choses.

    On observera aussi ce phénomène chez les animaux, non pas le phénomène de vérité/mensonge, ―puisque les animaux sont dans la « vérité » ( ce qui signifie que leur expression corporelle est en accord avec leur langage sonore ou leur comportement général)― mais cette souffrance insupportable que ressent l’individu lorsqu’il a connu la vie de groupe et qu’il se trouve coupé de ses racines, ou encore l’individu qui très tôt ne parvient pas à identifier le groupe auquel il appartient parce qu’un certain nombre de choses, comme le langage, le comportement, aura été faussé par des influences qui se sont interposées entre lui et son groupe. Quand un animal est séparé de ses congénères, il devient « fou », parce qu’il n’a pas de réseau de connexion. S’il parvient à créer de nouveaux réseaux avec d’autres individus, qui ne sont pas de son espèce, voire, qui sont très éloignés de son espèce, il le fera. Selon son instinct de survie, il le fera ! Il préférera créer une relation insensée avec un crapaud ! Les plus forts le feront, les autres se laisseront mourir ou devenir fou.

    A un moment donné, tout le monde se sent mentir. Le corps est sans arrêt, en train de dire : « Attention, ma bouche est en train de mentir, c'est l''esprit qui la commande lorsqu'elle parle » L’image qui se présente toujours, est celle des plantes qui se parlent et s’échangent des informations par les feuilles et les racines, ces arbres sont tous noués entre eux, comme les mille brins de la corde qui remonte le seau du fond du puits, liés et noués ensembles. Nous sommes les fibres d’un tissu qui se tisse et se retisse depuis l’incommensurable distance, l’incommensurable lieu, l’incommensurable espace où les mots « commencement » et « fin » n’ont aucun sens, parce que tout commence et finit à chaque instant, tout se fait d’éternité.

     « Il » disait : Avant qu’Abraham fût, je suis. Nous pouvons ajouter : « dans chaque instant, nous sommes ».

     


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  • Quand est-ce que cela a commencé ? Entre moins quarante mille ans et moins trente cinq mille ans, peut-être.

    L’homme commence à refuser son monde, sa vie. Sa vie, elle est trop pénible, il a peur de tout, il a donc besoin d’espérance, en la vie après la mort, sans doute même en l’immortalité.

    Il veut se voir l’unique enfant des Dieux et veut considérer que le reste de la vie est là pour lui, pour ses besoins et ses caprices, pour le servir.

    Il continue en voyant d’autres hommes comme ses esclaves aussi, ceux-là ne sont pas des enfants de Dieu au même titre que lui. Ceux-là il ne veut pas les voir mériter de vivre.

    Peu à peu il devient créateur à son tour, créateur d’autres mondes, d’autres plans, il croit gagner en liberté, il croit voir des portes donnant vers des horizons issus de sa seule imagination. Il se met à inventer des histoires, des traditions, de la culture, ses contes prétendent remonter jusqu’à l’aube de la création de son monde, il dit qu’il les a reçus de ses Dieux, par l’intermédiaire de ses mages.

    Et la machine s’emballe peu à peu, ses repères essentiels ne sont plus les arbres et le vent, les oiseaux et la pluie, mais ses fantasmes. La réalité recule devant ses caprices, aujourd’hui ce n’est pas dans ses documentaires ou reportages qu’il montre la réalité de son monde décomposé, mais bien dans ses fictions, ses films et romans de science-fiction disent mieux la vérité que les discours journalistiques, politiques, philosophiques. Même sa science raconte des histoires.

    Nous sommes de l’espèce des « salades », c’est ce que nous savons le mieux faire, accommoder des salades, parce que nous ne sommes plus capables de digérer la « vérité ».

     


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  •  Lorsque tu regardes un film, des images se succèdent si vite devant tes yeux que tu ne vois qu’une continuité, tu appelles cette continuité : « l’action ». Mais ce n’est qu’une illusion, tu le sais, cette continuité est un tout composé de vingt-quatre images à la seconde. Si j’en retire une sur les vingt-quatre, tes yeux, les yeux de tout le monde, ne s’en apercevront pas. Si j’en glisse une nouvelle, qui n’appartient pas à cette suite, une totalement étrangère, ton esprit, tous les esprits, ne la considéreront pas. Quel est l’essentiel ? Quel est le secondaire ? Est-il possible de s’arrêter sur l’essentiel lorsqu’on ne le voit pas ?

    Est-il possible de demander à son esprit d’isoler une de ces images, de la choisir au milieu de tant d’autres selon des critères personnels et selon une loi qui s’exécute sans que ne nous sachions jamais comment ni pourquoi ?

    Soit, il (l’esprit) le fera, il retiendra cette image de cheval blanc saisi au vol dans ce film, il ramènera toutes les autres images qui auront un rapport quelconque avec elle, il les regroupera refaisant un autre film, seulement pour lui, le construisant image après image comme un puzzle, de toutes celles que sa mémoire a engrangées. Et le film qui est passé sur l’écran de ta conscience, que devient-il ? Pour qui s'est-il fait voir ?

     


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  •  Ne penses-tu pas que trop de discipline et de rigueur risque de briser tout élan ?

     

    Manquer de rigueur et de discipline, par expérience, je sais que c’est se préparer de multiples difficultés, maintenant et dans ce qui est à suivre. La discipline prépare, met en ordre, organise, mais ne fait pas de nous des machines, seule l’ignorance, la faiblesse, et le laisser-aller font de moi une machine pleine d’automatismes, puisque ce sont bien les automatismes qui sont la propriété essentielle des bonnes machines. Automatisme s’oppose à autonomie et indépendance, parce qu’ils sont autant de conditionnements et de programmes.

     L’élan ? Je vois ce que tu veux dire, tu parles de spontanéité n’est-ce pas ?

    Je vais te confier alors que dans une attitude attentive, il y a encore davantage de place pour la spontanéité, certes, ce n’est pas la même que l’on rencontre dans une attitude qui refuse ordre et discipline. Dans cette dernière le plus souvent, les élans qui veulent éviter une embûche te propulsent dans le vide entraînant encore plus de dégâts, parce que ce ne sont pas de bons réflexes qu’elle génère, mais des explosions incontrôlables.

    La spontanéité de l’homme rigoureux ne surgira pas de ses mouvements émotionnels, elle surgira d’un esprit calme et prêt à tout. Parce que les cœurs sont les mêmes, ils sont identiques chez le guerrier et le mendiant, identiques chez la femme et l’homme, identiques chez le voleur et l’homme honnête.

    Leurs esprits seuls diffèrent, les uns sont en ordre, les autres en chaos, et ce qui monte du cœur passe au travers de ces filtres que sont nos esprits.

    C’est la nature qui le veut ainsi, la nature ne connaît que discipline, vois les animaux sauvages, se laissent-ils aller ? C’est l’homme qui a inventé un monde sans cohérence, en explosion, en lutte contre lui-même. En voulant se promettre des aujourd’hui faciles, il s’est préparé des lendemains invivables, c’est cela l’absence de discipline.

    On peut aussi étouffer le petit enfant en le serrant très fort contre soi et en lui criant : « Je t’aime ! ».

     


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