• Extrait de ... Rencontre d'une vie

    Ceux qui sont les plus riches, me dit-il,  ne possèdent rien. Ils sont riches de n’avoir rien à perdre. Les puissants ont beaucoup à perdre, ça leur fait faire des cauchemars. Celui qui n’a rien à perdre ignore la crainte.

    Ma bouche s’ouvrit comme un œuf. Il venait de stopper l’élan que j’avais pris pour lui développer ma théorie sur « comment cultiver sa force et ne plus avoir peur ».

    N’avoir plus rien à perdre, C’est quoi ça ? Une forme de dépression chronique ? Lui répliquai-je d’un ton ironique. Vous y arrivez, vous, à concilier volonté de vivre et «  n’avoir plus rien à perdre » ?

    Il s’esclaffa en lâchant un geyser d’eau de sa bouche qu’il avait collée au goulot de sa gourde, un mini arc-en-ciel le saisit au vol et s’y allongea l’instant éphémère qu’il fallut au million d’infimes gouttelettes  pour toucher le sol.

    Tu as vu ? dit-il. Cet arc fut pour nous deux, seulement nous deux ! As-tu senti le regret qui a pointé en toi à cause de la brièveté de sa présence ? Un arc-en-ciel c’est attachant n’est-ce pas ? Oh bien-sûr on l’oublie vite ! Mais on nourrit l’envie qu’il dure un peu, juste le temps de lui faire de la place dans notre cœur. C’est étonnant comme on peut s’attendrir devant un simple phénomène, devant le mariage du soleil et de l’eau. As-tu observé chez les animaux de telles réactions ?

    Vous voulez dire une émotion devant la beauté des choses ?

    Oui.

    Je ne sais…. J’ai vu leur curiosité devant des choses inconnues. Mais je ne peux dire s’ils sont touchés ou émerveillés.

    Nous les humains, nous nous émerveillons souvent, mais nous ne gardons pas de souvenirs intenses de ce qui nous a touché, nous sommes plus attachés à nos ressentiments qu’aux phénomènes auxquels ils se rattachent. Nos émotions sont précieuses, nous avons peur de les perdre. Les couchers de soleil, nous savons qu’ils seront toujours là. Nous ne craignons pas pour eux. Les fleurs, nous les cueillons et nous les plongeons dans l’eau pour leur donner un sursis, et puis nous ornons nos tables ou nos buffets. C’est un moyen de prolonger l’impression qu’elles nous procurent. C’est aussi une façon de se les accaparer, privant ceux qui viennent à passer après nous  du spectacle qui s’offrait à eux.

     


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