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De la souffrance (23)
– Quelque chose s'apaise qui depuis longtemps me faisait courir. Mais pourquoi avoir tant couru ? Pourquoi une telle urgence ?
Toi aussi, c'est étrange alors que tu vas d'un pas tranquille tu sembles n'être qu'un bouillonnement, comme si nous avions peur de nous endormir dans la gueule du loup.
Je suis encore aveugle et sourde, je n'entends pas mon corps, comme tu entends le tien, et pourtant il se dit en sensations qui restent inaudibles pour la raison. Lorsque je parle de voir, je ne parle pas de la même chose que toi.
« Une douleur dans le doigt, un message est envoyé au cerveau, à quoi va s'intéresser l'esprit ? ». Penses-tu que ce soit dans ce circuit que nous perdons l'accès au langage interne, là où les informations se sont formatées ?
A quoi devrions-nous être attentifs pour enrichir la perception du joug du mental ?
– Je crois que le bouillonnement est inévitable. C'est la sensibilité qui le produit, « bienheureux les sensibles » qu'il disait (Rires).
J'ai lutté jusqu'à ce jour pour que ne me gagne pas la désespérance, il y a quelque chose en moi qui ne renonce pas, qui refuse de croire qu'il n'y a rien à faire.
Je crois que le changement est toujours un besoin, davantage qu'un désir, c'est donc toujours une réaction. C'est ainsi que se veut la vie dans ce monde.
Que le changement intervienne après une mutation du monde est une façon de dire les choses, parce que tout changement engendre également une mutation du monde. De cette façon, le monde et le « vivant » sont à égalité réactifs et créatifs.
En vérité je crois bien que nous disons la même chose à propos de « voir », car rien ne se fait dans la tête sans sa correspondance aux organes, à tout le corps. La différence sans doute se situe là où l'on pense avoir saisi les images, mais il n'y a qu'un seul processus.
La mise en images a bien lieu dans le cerveau, la « conscience de la pensée » est trop souvent centrale pour nous, la plupart des hommes ignorent même qu'elle n'est pas la seule conscience et qu'à côté de la conscience du corps, elle est peu de chose.
Une douleur au doigt, justement, la douleur n'est que pour l'esprit, pour le corps une blessure est bien autre chose qu'une douleur.
Raison pour laquelle selon les cultures les hommes ne ressentent pas les douleurs de la même manière. L'hypnose démontre « où et comment » se forme la douleur, par le même chemin elle montre comment l'on peut la neutraliser.
Nous ne connaissons pas la réelle douleur, nous ne connaissons que la face que l'esprit s'invente, mais lorsque le doigt est blessé, il y a bien transmission d'informations jusqu'au cerveau, parce que tout le corps doit savoir, tout le corps va participer, le « centre nerveux numéro un » agit comme un chef d'orchestre.
Sans doute qu'avec une longue pratique de la méditation, autrement dit d'une attention dirigée, nous pourrions être davantage témoins de ce que le corps organise pour la réparation de ce doigt, mais l'effort serait injustifié, car porter une attention particulière à une petite blessure représente un manque d'attention ailleurs.
Laissons faire le corps dans ces terrains-là, il n'a pas besoin de notre esprit qui a tant à faire ailleurs.
Les activités de notre esprit sont étroitement liées aux domaines de la violence, agressivité, peur, rassurance. C'est là qu'il nous faut porter notre attention.
Tags : corps, douleur, chose, attention, Voir
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Commentaires
Bon jour,
Dieu que c'est bien dit en des termes tellement prés de la réalité et en même temps si difficiles à adaptés à nos souffrances personnelles.
Pensez-vous qu'il existe une souffrance propre à chacun ?
je ne pensais pas et j'étais loin de le penser que l'on puisse parler de la souffrance avec tant de poésie, n'est-ce pas un piège que de faire de ce mal être une amie qui empoisonne doucement notre vie ?
J'ai tant à apprendre de cette nouvelle compagne;
Bonne fin de nuit.
Bonjour Loupzen, et merci pour ce que j'entends comme un compliment, un compliment c'est une façon de dire que ça parle en nous, n'est-ce pas....
Y a-t-il une souffrance pour chacun de nous ?
Sans hésitation je vous réponds OUI !
Puisque chacun de nous a sa propre sensibilité qui se construit là où se rencontrent les mondes, ceux de "dedans" et ceux de "dehors".
Mais je ne pense pas que la souffrance soit de nature à empoisonner la vie, la voir ainsi dépend du regard, voir, de toutes les manières, dépend toujours du regard, et le regard est position de l'esprit, donc un conditionnement, car l'esprit est cela, un espace pour les conditionnements.
Bien à vous.