-
De la perception (6)
– Tu l'as dit nous communiquons au niveau où nous percevons. Je ne vais pas t'interroger sur les mots que tu as déjà dits à ce propos, qu'ils sont l'intelligence et la folie humaine, mais sur l'essentiel.
Quel est donc cet essentiel pour lequel il nous faut entrer en discipline, pourquoi nous échappe-t-il encore et encore, que peux-tu dire sur ce mystère ?
– Plus je me concentre sur une image, plus je force pour la presser, en tirer tout le jus, jusqu'à la dernière goutte et moins je suis ouvert pour toutes celles qui passent à ma portée.
Lorsque tu regardes un film, les images se succèdent si vite devant tes yeux que tu vois une continuité, tu appelles cette continuité « l'action ». Mais ce n'est qu'une illusion, tu le sais, cette continuité est un tout composé de vingt-quatre images à la seconde. Si j'en retire une sur les vingt-quatre, tes yeux, n'importe quels yeux, ne s'en aperçoivent pas. Si j'en glisse une qui n'appartient pas à cette suite, une étrangère, ton esprit, tous les esprits, ne la considèrent pas.
Quel est l'essentiel ? Quel est le secondaire ? Est-il possible de s'arrêter sur l'essentiel lorsqu'on ne le voit pas ? Est-il possible de demander à son esprit d'isoler une de ces images, de la choisir au milieu de tant d'autres selon des critères personnels et selon un processus qui s'exécute sans que nous sachions jamais comment ni pourquoi ?
Soit, il le fera, il retiendra cette image de cheval blanc saisi au vol dans ce film, il ramènera toutes les autres images qui auront un rapport quelconque avec elle, il les regroupera refaisant un autre film, pour lui seul, le construisant image après image comme un puzzle, de toutes celles que sa mémoire a engrangées.
Et le film qui passe sur l'écran, que devient-il ? Pour qui se montre-t-il ?
Tags : image, essentiel, film, esprit, perception
-
Commentaires