• La rencontre... Extrait de

    Selon mes parents, j’étais un enfant difficile. Mon premier souvenir remonte à l’année mille neuf cent cinquante sept. J’avais donc deux ans. Nous vivions au Maroc, dans la ville de Casablanca. Pays que nous quittâmes l’année suivante à cause des troubles politiques que le monde appelait les « évènements ». Qu’a donc déposé ce pays dans mes cellules ? Je me souviens des images qui me hantaient durant ces années qui suivirent. Souvent elles surgissaient de cette mémoire qui ne porte pas bien son  nom. Au hasard d’une conversation, au détour d’une rue, en pleine classe alors que l’instituteur, Mr Pierron, m’interrogeait sur la leçon que je n’avais pas su retenir. C’étaient des images emplies d’une lumière blanche éblouissante. Voilà ce que ce pays et surtout cette ville blanche a imprégné dans ma chair. Ce devait être une après-midi, je venais de me réveiller d’une sieste indispensable. Les murs de la salle où ma mère avait installé mon lit étaient colorés sans doute, mais je ne m’intéressais ni aux murs ni aux meubles, ni aux toits. Seul le couloir avait un sens pour le petit bonhomme que j’étais, il donnait sur la cour extérieure. Au bout de ce couloir une énorme bouche aveuglante me faisait signe d’approcher. A cause de cette lumière, je ne pouvais regarder devant moi pour me diriger. Mes mains devant les yeux, j’avançais en suivant les dalles qui traversaient la pelouse. Mon instinct de petit garçon devait savoir qu’en marchant vers la chaleur de la cour, je trouverais la « mère » allongée dans sa chaise longue, sous l’ombre généreuse et lourde d’un palmier. Je traînais derrière moi le petit drap blanc dont on me couvrait afin que les mouches ne perturbent pas trop mon sommeil. Je marchais en grimaçant,  j’étais mécontent comme un enfant qui vient de s’éveiller et voit sa solitude. Les enfants ont toujours peur d’être abandonnés, n’est-ce pas ? Je me souviens avoir traversé la cour en gémissant. Celle qui fut mon  premier repère dans la vie. Celle dont je ne pouvais douter, émergea de son sommeil en marmonnant des mots qui sonnaient comme une réprimande. Il n’était pas bon que l’enfant soit déjà réveillé, qu’on allait le reconduire illico jusqu’à sa couche. Tel est le premier souvenir que j’ai de mon entrée dans ce monde. Une grande chaleur, une lumière aveuglante, des panneaux blancs partout qui renvoyaient les éclats éblouissants d’un soleil permanent.

     


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